Jean Charles de Laizer, Rue Jean-Charles de Laizer, Evian-les-bains

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Image extraite de la page 309 du volume 1 de l'Histoire de l'administration civile Dans la province d'Auvergne et le département du Puy-de-Dôme, par BONNEFOY, Georges. Original détenu et numérisé par la British Library. https://www.flickr.com/photos/britishlibrary/11135946233

Image extraite de la page 309 du volume 1 de l’Histoire de l’administration civile Dans la province d’Auvergne et le département du Puy-de-Dôme, par BONNEFOY, Georges. Original détenu et numérisé par la British Library. https://www.flickr.com/photos/britishlibrary/11135946233

Celui qui a lancé Evian sur les voies d’une renommée mondiale s’appelait Jean Charles de Laizer, né en 1734. Un migrant. Un réfugié. Un fuyard, avec famille et souffrances. C’est notamment à cet homme, endolori par une sérieuse gravelle, que la ville d’Evian doit sa fortune.

La date de sa mort reste incertaine – C.Y. Gerbaulet indique avril 1806 dans son ouvrage Evian-les-bains, un patrimoine, p.42 ed. Cleopas 2013, qui reprend l’information de Françoise Breuillaud-Sottas Evian aux Sources d’une réussite (1790-1914) ed. Le Vieil Annecy, 2008, p. 35).

Fils de Jean de Laizer (1704-1734), il n’est cependant pas toujours présenté comme l’initiateur de l’épopée de l’eau de la source Cachat, devenue l’eau Evian. Une gravure de la société des eaux d’Evian représente un certain marquis LG de Laizer. Mais bon, celui-ci est indiqué sur Geneanet comme le fils de Jean Charles.

Louis Gilbert de Laizer, personnage de bonne famille est né le 5 décembre 1756 et décédé le 21 octobre 1808. Il aurait eu 33 ans lors de sa venue à Evian… Son père avait 55 ans à la même époque, ce qui semblerait mieux correspondre à ce qui est souvent fait comme description quant à l’âge du personnage, approchant la soixantaine, dont la venue est attestée par des documents d’archives d’Evian et de Lausanne.

Alors, le père ou le fils ?

L’orthographe du patronyme varie, jusqu’à être écrit “Lizère” sur le site de la ville de Publier. La société des eaux opte quelques fois pour présenter le fils de Jean-Charles comme l’initiateur (cf. 1905, lors de la fête des roses, elle lui consacre sa voiture), Louis Gilbert, mais pas toujours et pas non plus écrit de la même manière. La révolution chahute aussi la particule et le patronyme est écrit Delaizere ou Delaizer, jusqu’à la faire tomber en Lesser, Lessert, Lesert.

Il faut dire que les particules avaient une tendance à tomber aussi vite que les têtes dans cette période où la vengeance populaire faisait frapper le tranchant de la terrible guillotine et souiller de sang le panier rempli de sciure.

La prononciation personnelle du patronyme est le seul moyen pour laisser courir l’imagination du lecteur. Avec le temps, l’approximation des écritures et des prononciations, il y a de quoi s’y perdre, ce qui semblerait avoir été le cas du service communication de la société des eaux qui a plus d’une fois pataugé entre création de mythes et légendes, stratégies spéculatives et approximations analytiques et culturelles.

Le traitement anglais de l’information ajouté à l’instabilité orthographique de l’époque où la langue n’était pas plus figée que l’orthographe, l’éducation pas obligatoire, l’illettrisme plus répandu que la culture, le nom de Laizer a connu de multiples déformations.

La ville d’Evian, quant à elle, a consacré le père, Jean Charles de Laizer, avec une rue derrière les nouveaux thermes (par délibération du 26 juin 2006), parmi les quelques 140 axes et lieux de la voirie d’Evian.

Néanmoins, avec les documents et les croisements d’information, il est devenu possible de comprendre les évènements et de faire les distinctions entre le réel et l’imaginaire.

Une cité proche d’un lac devenue la coqueluche de la noblesse

Theatrum sabaudiae - Evian en 1682 2. vol in folio de Jean BLAEU Amsterdam - extrait d'Evian-les bains un patrimoine, Claude Yvette Gerbaulet p.24

Theatrum sabaudiae – Evian en 1682 2. vol in folio de Jean BLAEU Amsterdam – extrait d’Evian-les bains un patrimoine, Claude Yvette Gerbaulet p.24

Selon Françoise Breuillaud-Sottas, qui a publié ses recherches dans “Evian, aux sources d’une réussite (1790-1914) ed. Le viel Annecy. 2008), le comte est venu avec sa famille. Il part d’Auvergne, s’installe à Evian, boit de l’eau d’Amphion qui est à l’époque la seule réputée. Il vit chez les Cachat qui sont des commerçants de produits taxés (plomb et poudres à fusils, papier timbré, sel…)

Dans tous les cas, pour ceux qui écrivent le nom du personnage Lessert (Cf. sur le site de la société d’Evian et de l’office du tourisme de la ville, encore en août 2014, voir pages écran en illustration de cet article), il convient de noter que le noble en question ne serait plus d’Auvergne mais originaire de Cognac, ce qui fait promener l’histoire… Néanmoins, notre noble équipée est bien localisée à l’endroit de son château familial, à Montaigut-le-Blanc, dans le Puy de Dôme au coeur de l’Auvergne.

Il est possible d’imaginer Evian avant le thermalisme, lorsque notre découvreur arrive. Une cité où trône un château dont le propriétaire n’a plus les moyens d’assurer l’entretien. Plus haut, le souvenir d’une construction féodale. Des ruines préservées comme témoignage d’une grandeur des uns obtenue par la soumission des autres. A mi hauteur, le coeur du village. Une rue qui deviendra la rue nationale et quatre ou cinq perpendiculaires. Des commerces tenus dans ce cocon central à proximité de l’hospice offert par la demoiselle Pernette Grenat en 1355.

Vignes en crosse, une pratique ancestrale, connue des grecques, jusqu'à la renaissance dans de nombreuses régions

Vignes en crosse, une pratique ancestrale, connue des grecques, jusqu’à la renaissance dans de nombreuses régions

Sur les flans de cette cité fourrée dans une gorge toujours enclavée, on peut imaginer des vignes productrices de vin blanc, en crosse pour éviter les taxations. La pêche est abondante et la situation d’Evian lui assure déjà une fréquentation suffisante pour être confortablement installée dans des échanges commerciaux. Une belle place publique où les marchés y sont réguliers et animés. Les bateaux suivent les berges pour commercer jusqu’à Genève et se croisent régulièrement sur les flots de Lausanne. Lorsque le comte de Laizer arrive, c’est une cité bien bourgeoise qu’il traverse. De jolies maisons avec jardin, le calme et l’air agréable de la richesse d’un magnifique environnement.

Le comte se promène. Il entre dans les commerces en quête d’un logis, se plaint de ses douleurs provoquées par la gravelle. En quête de son graal, il fait connaissance d’un commerçant de la ville, Gabriel Cachat, lequel a une maison proche de l’église Sainte Catherine, là où s’élèvera plus tard la buvette Cachat, la révolution ayant rasé cette église.

En autre temps, on eut parlé de miracle. Mais l’époque est aux Lumières et c’est des Lumières dont la ville d’Evian bénéficiera. La science des sources cherche aussi ses lois. Fini le temps des sorciers. Sur la propriété du commerçant, paisible, une source d’une eau douce s’écoule. Elle sera salvatrice pour ce comte perclus de calculs. Mais de la sorcellerie avec les bouffonneries des superstitions, on en vient à des excès pour attribuer des résultats scientifiques à des phénomènes qui n’ont rien à voir ou dont les explications ne sont pas celles fournies. Ainsi en va-t-il de cette eau qui va y puiser sa célébrité.

Une source révolutionnaire

C’est ainsi que Laizer lance la renommée d’Evian jusqu’à l’international. Etait-il homme de marketing ou de science ? Probablement ni l’un ni l’autre. Curiste subissant les assauts de crises douloureuses, il va faire de cette cité des bords du Léman le premier village producteur d’eau minérale au monde.

La découverte des bienfaits de la source Cachat est inscrite sur le griffon de la source : 1789. Dans ses communications, la société d’Evian indique 1790.

Une lutte entre Amphion et Evian ?

Ce ne fut pas gagné à la première campagne consacrée à faire connaître la fameuse eau. Au cours des années, une bagarre de voisinage s’est poursuivie entre les communes d’Amphion et d’Evian. Pourtant Amphion partait avec des avantages, mais c’est Evian qui tirait les profits de la source qui s’écoulait dans la commune voisine, là où se situe l’hôtel des Princes. En ce lieu, Amphion avait des thermes et un casino. Mais Evian eut l’engagement de la démarche scientifique. Grâce à son patient bienveillant, elle a vite gagné une noble réputation. Et Evian a remporté l’affaire, même si aujourd’hui l’eau d’Evian est embouteillée chez sa voisine d’Amphion avec laquelle on pourrait croire qu’elle a fini par trouver les modalités d’une relation fluidifiée.

A une époque où la science venait se mêler à la tradition, il pouvait être de bon ton d’attribuer à quelqu’un de “bien né” cette noble découverte, plutôt qu’à un commerçant savoyard. Mais c’est le nom du propriétaire qui reste, pas celui de “l’inventeur” de la source…

 

Références :

  • Dictionnaire De La Noblesse: Contenant les Généalogies, l’Histoire & la chronologie des familles nobles de France… Tome VIII, de 1774, par François-Alexandre Aubert de La Chesnaye Des Bois,
  • le site Geneanet,
  • Evian aux sources d’une réussite, de Françoise Breuillaud-Sottas, 2008, une biographie de Jean-Charles de Laizer commence en page 27 et suivantes
  • Le titre de Comte de Brion provient de la donation de la Dame de Brion, mère de Jean-Charles de Laizer, décédée le 20 janvier 1792 d’un ensemble de biens. Cette donation est intervenue le 17 décembre 1789 et enregistrée sept jours plus tard.

Jean Charles de Laizer a lancé la renommée d’Evian

A propos de l'auteur

Cité d'Evian est un projet rédactionnel de médiation citoyenne. Il est conçu dans une démarche contributive de développement des initiatives et des projets, visant à concilier objectifs économiques et mieux vivre ensemble.

Un commentaire

  1. Bonjour,

    Vous dites, au début de votre article, que la date de la mort de Jean-Charles de LAIZER reste incertaine, contrairement à ce que j’ai écrit dans mon livre.
    Voici ma source : Françoise BREUILLAUD-SOTTAS. EVIAN, aux sources d’une réussite (1790-1914) – page 35 :
    “Il reste fidèle jusqu’à son décès, survenu au mois d’avril 1806, à l’eau alcaline d’Evian qui lui a permis de recouvrer la santé.”

    Claude Y. Gerbaulet

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